Garçon, une pinte de technologie !

Détecter les faux grands crus grâce à la blockchain ? Identifier l'origine d'un café avec un QR Code ? Brasser la bière parfaite grâce à l'IA ? Et si la technologie s'invitait jusque dans nos verres ?

Il y a des usages de la technologie que l’on ne soupçonne pas toujours. Et quand on boit un verre de vin, une tasse de café ou une chope de bière, on n’imagine pas les procédés technologiques qui ont pu être mis en œuvre pour garantir la qualité du breuvage. Voici de quoi étancher votre soif de numérique.

In vino veritas

Une bouteille de vin sur cinq vendue dans le monde serait contrefaite. Le chiffre a beau être difficilement vérifiable, tant les affaires qui parviennent jusque devant les tribunaux sont rares, les professionnels du secteur prennent la chose très au sérieux. Le crime est aisé à commettre : les fraudeurs achètent généralement une cargaison de vin bon marché, retirent les étiquettes des bouteilles et les remplacent par des étiquettes coûteuses provenant de bouteilles vides et chères. Ils peuvent ensuite revendre ces bouteilles à de riches collectionneurs, pour les vins les plus prestigieux, ou chercher à les distribuer plus largement auprès de buveurs occasionnels.

Pour révéler ces tromperies et garantir l’authenticité des bouteilles, l’industrie du vin et des spiritueux travail sur des procédés chimiques, comme la spectrométrie de masse et la chromatographie liquide, mais également sur des innovations technologiques, comme la blockchain et le NFC. Ces dernières années, plusieurs plates-formes blockchain comme Everledger, TATTOO Wine ou Chai Vault, ont été conçues pour suivre et certifier le vin sur toute la chaîne d’approvisionnement, de la production jusqu’au point de vente.

Pour Eric Robertson, qui dirige la plate-forme blockchain des vins et spiritueux chez Everledger, il est possible de créer une chaîne de contrôle vérifiable, démontrant l’identité numérique unique d’une bouteille du vin. « À chaque étape du processus, nous nous appuyons sur un organisme de certification qui détient une information vérifiée que nous pouvons introduire dans la blockchain, comme qui a cultivé le raisin, qui a produit le vin et qui l’a mis en bouteille pour la distribution, détaille-t-il. Chacun de ces certificats constitue un bloc d’une chaîne qui devient immuable. » Au fur et à mesure que des blocs sont ajoutés, la chaîne raconte l’histoire unique de la bouteille, du jour où les vignes ont été plantées, jusqu’à celui ou le vin a été embouteillé puis distribué. La dernière étape consiste à intégrer une puce NFC directement dans la bouteille, permettant au consommateur de lire cette puce simplement depuis un smartphone afin de découvrir l’intégralité de son histoire.

100 % Arabica… ou presque

Le café est un des produits les plus échangés au monde. Et à ce titre, il est, comme le vin, victime de nombreuses tentatives de fraudes. Des analyses d’échantillons réalisées par le Quadram Institute en Angleterre ont par exemple révélé que 10 % des grains de café étiquetés 100 % Arabica ne le seraient pas, et contiendraient une part significative de café Robusta, bien moins coûteux. En 2019, des producteurs de café Kona, cultivé sur l’île d’Hawaï, ont entamé une action en justice pour protéger leur précieux grain, parmi les plus chers du monde. Environ 2,7 millions de livres de grains de café Kona authentiques sont cultivés chaque année, mais plus de 20 millions de livres étiquetées Kona sont vendues au détail. Une « impossibilité physique », d’après la plainte, qui suggère que « quelqu’un ment » sur le contenu des produits étiquetés « café Kona ». Certains fournisseurs n’auraient peu ou pas de café Kona dans leurs produits.

Là encore, la science et la technologie s’unissent pour apporter une solution. À l’Université fédérale de Rio de Janeiro au Brésil, des scientifiques associent la chromatographie liquide ultra-performante à la spectrométrie de masse pour créer une technique analytique capable de révéler la structure chimique des grains, afin d’identifier avec précision la région où ils ont été cultivés. « Nous pouvons déterminer dans quelle ville un café étiqueté comme « éthiopien » a été cultivé en le comparant avec les marqueurs chimiques de la zone géographique », explique Victor de Carvalho Martins, responsable d’une équipe de chimistes de l’université. Dans le procès du café Kona, l’échantillon d’un grossiste contenait par exemple 120 fois plus de manganèse que de nickel, quand le café Kona authentique contient en moyenne moins de 40 fois plus de manganèse que de nickel.

Ces nouveaux procédés chimiques, associés aux innovations numériques, présentent un réel intérêt pour les industriels et les consommateurs. Pour authentifier l’origine de leur café, plusieurs marques comme Folgers, Onda Origins ou Nestlé ont investi dans la blockchain et intégré des QR Code sur leurs produits afin de permettre aux acheteurs de vérifier l’origine du café via une application mobile.

Le Netflix de la bière

Eau, orge, houblon et levure. Quatre ingrédients simples pour une infinité de possibilités. Chaque année, 50 milliards de gallons de bière sont consommés dans le monde. En France, on compte aujourd’hui environ 2 000 brasseries, qui proposent plus de 10 000 références de bières. Pour sortir de lot, les brasseurs cherchent donc à mieux comprendre les nouvelles attentes des consommateurs. Et l’intelligence artificielle est un moyen efficace d’y parvenir.

« Le but de l’intelligence artificielle est de prendre de meilleures décisions, et quand vous brassez une bière, il y a beaucoup de décisions à prendre », indique Rob McInerney, co-fondateur de la brasserie IntelligentX. Pour réussir à rapprocher toujours plus sa production de ce que les amateurs de bières attendent, la start-up a créé un bot sur Facebook Messenger, qui va converser avec les consommateurs pour apprendre leurs préférences. L’intelligence artificielle agrège ensuite les réponses, analyse les données et en tire des recommandations pour faire évoluer la recette. Charge ensuite au maître brasseur d’IntelligentX de décider quoi faire de ces recommandations.

À la manière de l’algorithme Netflix qui vous suggère des films et séries correspondants à vos goûts, IntelligentX peut déterminer quelle bière vous conviendra le mieux en se basant sur vos précédentes expériences et celles de personnes ayant des goûts similaires aux vôtres. L’enjeu est de répondre à l’évolution de ces goûts dans le laps de temps nécessaire pour réaliser un brassin. Vous reprendrez bien une pinte de technologie ?

About the Author: Sébastien Verger

Sébastien Verger est CTO France de Dell Technologies. Technologue dans l’âme et porte-parole Dell Technologies, il intervient quotidiennement auprès de nos clients, d’événements marché et de conférences de presse pour mettre en perspective les évolutions technologiques majeures et leurs impacts sur les systèmes d’information des entreprises. Sébastien a rejoint EMC en 1999 en tant qu'avant-vente grand compte. Il a exercé des responsabilités de management, contribué au développement du pôle d’expertise et fut un acteur clé de la mise en place d’une organisation avant-vente résolument tournée vers les Partenaires et le segment Commercial. Précédemment, il a exercé des fonctions commerciales chez Sequent.