Eco-conception et sobriété numérique : évaluez-vous pour progresser !

En matière d’environnement, les convictions et l’idéalisme ne suffiront pas. La limitation de l’impact environnemental des produits technologiques a besoin de figures de proue et de la participation de tous les collaborateurs. Mais surtout, pour y parvenir, il faut savoir par où commencer. La première étape : la mesure, même imparfaite.

Plusieurs études ont d’ores et déjà mesuré l’impact environnemental du numérique. Parmi les grands indicateurs de cet impact, on peut citer les 4% des gaz à effet de serre générés au niveau mondial par le digital.

Sur ces 4%, 45%[1] découlent de la fabrication du matériel associé à ces services numériques. Le solde provient de la consommation d’énergie nécessaire au fonctionnement de ces services, dont celle liée aux milliards de terminaux, PC, tablettes, smartphones et objets connectés. Ainsi il conviendra de chercher à allonger la durée du matériel de manière générale, en favorisant la réparation, le reconditionnement, mais aussi la compatibilité des logiciels sur les matériels d’anciennes générations.

Agir concrètement dans tous les métiers de l’entreprise

Le numérique repose sur un vaste écosystème. Aux applications et aux terminaux, il faut encore ajouter la consommation générée par les réseaux et les datacenters. Cependant, l’impact environnemental est dû à 75% à 80% aux terminaux, contre 10% environ pour le datacenter. Dans le domaine des services numériques, ce sont donc bien les terminaux qui ont le plus d’impacts sur le plan environnemental.

Ce n’est cependant pas une fatalité. Ces indicateurs doivent nous aider à orienter les actions prioritaires à mener pour réduire l’impact environnemental du numérique. La réduction de cette empreinte, c’est justement l’objectif de l’éco-conception. Sur ce sujet, les définitions ne manquent pas, comme souvent dans des domaines encore émergents. J’en propose une description simple, mais qui présente l’avantage d’être aisément compréhensible. L’objet de l’éco-conception appliquée à l’IT est de chercher à limiter les impacts environnementaux liés à l’usage des services numériques. C’est également de chercher à améliorer les impacts sociaux, comme l’accessibilité au plus grand nombre, indépendamment de l’équipement et du niveau de maturité digitale.  L’abstraction pouvant être l’ennemi de l’acculturation en limitant la compréhension aux seuls experts, j’illustrerais cette définition de l’éco-conception par des actions et mesures concrètes. Pour des raisons de coût environnemental de la fabrication du matériel, on cherchera donc, au travers de l’éco-conception, à accroître le recours à des composants recyclés. C’est aussi prolonger la durée de vie de ces équipements.

RSE, Marketing, Produit, Acheteurs, Développeurs IT, tous ont un rôle à jouer

Toutefois, pour y parvenir, il faut parallèlement travailler sur les services numériques et leur compatibilité avec une palette de terminaux, y compris anciens, la plus large possible. C’est ainsi qu’il est possible de limiter l’obsolescence du matériel, accélérée par le logiciel. L’éco-conception doit évidemment intervenir en amont des phases projets mais peut également challenger et allonger la durée de vie des dispositifs actifs. Il est aussi indispensable d’adopter une démarche de sobriété énergétique dans les usages, les parcours utilisateurs et les volumes de données générés.

Développeurs de services numériques et fabricants ont donc un rôle essentiel à jouer en matière d’éco-conception. Les collaborateurs des entreprises et les clients de ces produits digitaux ont aussi leur place dans la réduction des impacts environnementaux. C’est la raison pour laquelle il est important de sensibiliser tous les collaborateurs de l’organisation, et pas seulement les équipes IT, à l’utilisation d’une démarche responsable et agir pour diminuer les impacts. Au préalable, les former à l’éco-conception et aux leviers dont ils disposent lorsqu’ils choisissent des technologies ou du matériel, ou lorsqu’ils développent des services numériques pour les métiers. L’INR constate par exemple que 15% des fonctionnalités intégrées aux applications ne sont jamais utilisées[2]. Bien qu’inutilisées, leur impact n’est pas nul.    Les directions achats doivent également être sensibilisées afin, par exemple, qu’elles intègrent des critères environnementaux à leurs appels d’offres. Les porteurs métiers, comme une direction commerciale, sensibilisés, élaboreront leurs demandes de fonctionnalités en fonction de leur impact. La sensibilisation est à mener à tous les niveaux.

Commencez petit, évaluez-vous et mesurez vos progrès

La mesure des impacts environnementaux de l’IT, existante et en développement, est sans conteste la première étape à conduire dans cette démarche de responsabilisation et de sensibilisation à l’éco-conception. Oui, la mesure et l’évaluation font débat. Les méthodes ne sont pas parfaites. Mais face à un secteur qui n’a pas fini de croitre de manière exponentielle c’est accessoire de s’y arrêter.

Mon conseil : prenez un référentiel d’évaluation, peu importe lequel. Conservez-le et entrez dans une démarche d’amélioration que seule la mesure vous permettra. Même si le référentiel est critiquable, il soulignera les effets de vos initiatives. Qu’importe si elles sont minces au départ. L’essentiel est d’entamer cette démarche. Evaluez-vous. C’est d’ailleurs notre recommandation dans les règles que nous rédigeons actuellement avec l’Afnor.

L’engouement à adopter une approche d’éco-conception est largement perceptible depuis 2021. Les grands groupes sont les plus avancés et en ont compris tous les enjeux et bénéfices. Les PME ont encore besoin d’y être encouragées et accompagnées. De premiers référentiels existent, comme celui de la DINUM (RGESN) ou celui de l’INR (RG491). D’autres sont en cours d’élaboration. Ils devront surtout, ensuite, être utilisés. Je souhaite également que les entreprises les plus avancées communiquent plus largement sur leurs actions et leurs bénéfices. Les témoignages, le concret, constituent la meilleure incitation. Les convictions ne suffiront sans doute pas néanmoins. Les pouvoirs publics ont également un rôle fondamental à jouer. Peut-être peut-on le regretter, mais l’émergence de nouvelles lois, plus contraignantes, est un levier, à condition de ne pas manquer d’ambitions. D’ici là, évaluez-vous, c’est le premier pas pour avancer.

Jérôme Lucas, Directeur Associé & Cofondateur fruggr.io, solution SaaS pour impacts numériques positifs.


L’insight de Dell Technologies 

L’éco-conception est un domaine d’innovation collaborative

Laetitia Cousi, Responsable RSE France de Dell Technologies.

Les notions d’éco-conception se sont rapidement inscrites dans la stratégie du Groupe, et cela depuis plusieurs années déjà. Notre président fondateur, Michael Dell, y accorde une attention particulière. De manière très concrète, nous avons participé au développement d’une économie circulaire en favorisant la réutilisation des matériaux, et notamment le plastique, afin d’être toujours plus responsable à chaque étape. Dès 2014, Dell Technologies a créé une chaîne de production pour ainsi utiliser les plastiques de nos ordinateurs portables et fixes, et de nos écrans. De la même façon, nous récupérons depuis 2015 les fibres de carbone du secteur aéronautique pour la conception des coques de nos PC.

Une entreprise ne peut avoir un impact suffisant en agissant seule. C’est la raison pour laquelle nous nous associons à des partenaires. Dell Technologies a ainsi rejoint le consortium NextWave afin de lutter contre la pollution plastique des océans. Récemment, nous nous sommes associés au fabricant de disques durs Seagate et à une entreprise de recyclage. Cette collaboration accélère la réutilisation de composants, comme les métaux rares et l’aluminium. Notre approche : mutualiser l’innovation pour mutualiser les bénéfices et maximiser l’impact positif sur l’environnement.

Le travail est loin d’être achevé aujourd’hui. Nous nous fixons donc des objectifs et allouons les moyens nécessaires à leur atteinte. Comme il est facile sur le sujet de l’environnement de tenir des discours, nous accompagnons notre démarche d’un suivi et de la mesure de nos progrès effectifs. Chacun peut en juger dans nos rapports RSE annuels. Un exemple pour l’illustrer. Nos objectifs sur la période 2013-2020 étaient atteints dès la fin 2019. Notre prochaine grande échéance est fixée à 2030. En matière d’éco-conception, nous prévoyons un ordinateur recyclé ou réutilisé pour chaque équipement équivalent vendu, 100% d’emballages compostables ou recyclables et l’utilisation de 50% de matériaux recyclés ou recyclables. L’éco-conception est un domaine d’innovation. Notre R&D prépare aussi l’avenir dans ce secteur. Lors du CES 2022, Dell Technologies dévoilait le concept Luna, un ordinateur portable conçu dans un souci de durabilité et de réparabilité.

Je me répète, c’est la somme de toutes les actions, individuelles et collectives, qui permettra d’avoir un impact toujours plus important sur l’environnement.
Pour aller plus loin, je vous invite à lire notre livre blanc et découvrir notre politique RSE.

[1]  https://www.arcep.fr/actualites/les-communiques-de-presse/detail/n/environnement-190122.html

[2] MOOC INR : https://www.academie-nr.org/#mooc-nr

About the Author: Jérôme Lucas

Directeur Associé & Cofondateur fruggr.io, solution SaaS pour impacts numériques positifs.